vendredi 30 septembre 2016

Le chemin d'Aigues-Mortes à Saint Gilles

Le pèlerinage est l'un des usages historiques des chemins, en Camargue particulièrement avec les Saintes-Maries de la Mer, Saint Gilles, le chemin de Saint Jacques de Compostelle, et ce qu'on pourrait nommer le carré sacré Aigues-Mortes - Les Saintes-Maries de la Mer - Saint Gilles - Arles.


Le 27 août dernier, par l'une des journées les plus chaudes de l'été, nous avons donc rejoint Saint Gilles à l'occasion du pèlerinage qui a lancé 350 marcheurs vers l'abbatiale dont on célèbre en 2015 les 900 ans. 

Deux trajets possibles :
- le plus long rejoint le petit Rhône à Sylveréal en passant par Peccais, puis suit la digue du fleuve et ses méandres jusqu'à Saint Gilles : c'était l'un des chemins du sel ;
- l'autre d'une trentaine de kilomètres, 27 exactement, passe par la Tour Carbonnière et suit le bord des étangs du Charnier et du Scamandre avant de couper à travers champs pour rejoindre le chemin de Saint Jacques, dit chemin d'Arles ou Via Tolosana. C'est celui que nous avons suivi.

À partir du VIIème siècle Saint Gilles, au pied des Costières, dénommé Saint Pierre de la Vallée Flavienne, est un port actif sur le Petit Rhône et l'un des grands lieux de pèlerinage sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Avec l'essor du pèlerinage aux Xème et XIème siècles, Saint Pierre prend rang d'abbaye et de vient Saint Gilles.
A l'époque Aigues-Mortes n'existe pas encore mais l'abbaye de Psalmodi dispose du Port Viel, sur l'ancien bras du Rhône dit Rhône des Tourradons. 
C'est à Saint Gilles que l'assassinat du légat du Pape sert de prétexte au déclenchement de la croisade contre les Albigeois, et c'est dans l'abbatiale que Raymond VII et Louis IX unissent leurs enfants pour sceller l'union du Comté de Toulouse au Royaume de France. 
La croisade, la création d'Aigues-Mortes, l'essor de Beaucaire, les guerres de religion, entraînent ensuite le déclin de Saint Gilles et la ruine de son abbaye. 
Le pèlerinage est relancé en 1965, 100 ans après la redécouverte du tombeau du saint. Aujourd'hui un grand programme de restauration de l'abbatiale est entrepris. Depuis 1983, l'association des Chemins de Saint Gilles organise et fait connaître le pèlerinage et les routes d'accès. 
©Patrick Brun, Chemins de Saint Gilles
Le 27 août les groupes convergeaient depuis Vauvert, Générac, Bouillargues, Arles et Tarascon, par les différents chemins,  le chemin d'Arles, GR 653, et la Régordane, GR 700. Certains étaient partis de Saint Michel de Frigolet, d'autres s'apprêtaient à continuer vers les Pyrénées.

Notre groupe est parti de l'église d'Aigues-Mortes pour rejoindre la Tour Carbonnière par le Pont de Provence et le bord du canal du Rhône à Sète. Jusqu'à Gallician, le chemin de halage est devenu la Via Rhôna, au goudron lisse et enrobé pour le plus grand bonheur des vélos dont certains nous dépassent à toute allure, oubliant que le chemin est comme il se doit ouvert à tous, piétons, cavaliers, cyclistes, ce qui implique de ne pas se croire sur une autoroute à vélos. Le bas-côté herbeux est heureusement préservé sur la plupart du trajet.
A Gallician nous attendent fruits et rafraîchissements et notre ravitailleuse rejoint le groupe des marcheurs. Le chemin de halage reprend à partir de là sa physionomie traditionnelle, verte, herbeuse et caillouteuse, un vrai chemin, flanqué malheureusement du panneau d'interdiction que Voies Navigables de France utilise à profusion. L'autre côté du canal est aussi praticable et pourrait nous offrir une ombre bienvenue.

A Franquevaux quelques minutes d'arrêt à l'ombre accueillante de la guinguette de la promenade à cheval, toujours au bord du canal, puis nous bifurquons à gauche dans les terres, alors que le bord du canal nous mènerait au pont d'Espeyran. 

La traversée de la roselière serait splendide au crépuscule, elle est plus austère en pleine chaleur sans un souffle d'air, mais elle nous mène jusqu'à un chemin boisé le long des prés fauchés.



C'est enfin le moment de la halte où d'autres amis ravitailleurs nous attendent, à l'ombre d'un grand chêne, juste avant que le chemin ne s'enfonce dans un tunnel de roseaux.

Le rendez-vous avec le groupe de Vauvert est fixé près de l'entrée du chemin du Cougourlier, avant de longer l'ancienne voie ferrée. Nous sommes en retard. Les derniers kilomètres sont plus arides et nous retrouvons le goudron deux kilomètres avant l'entrée de Saint Gilles, bordé encore de grands vergers d'abricotiers.






Pour rejoindre l'abbatiale qui se profile, nous montons avec la procession où chaque "route" brandit sa bannière ou sa pancarte. L'ambiance est chaleureuse et se prolonge tard le soir avec un grand dîner sous les platanes.
Photos ©Jean-Luc Coulon
A consulter sur l'histoire des chemins, le précieux livre de Pierre A.Clément "Les Chemins à travers les âges en Cévennes et Bas-Languedoc", aux Presses du Languedoc, réédité et mis à jour de nombreuses fois.

Voir aussi « XIIIème siècle – Relations St Gilles/Aigues-Mortes » par Louis Borel, texte de la conférence prononcée le 14 novembre 2016 à Aigues-Mortes, lors des 5èmes rencontres de Saint Louis organisées par l’association « Sur les pas de Saint Louis en baie d’Aigues-Mortes ».





dimanche 31 janvier 2016

La Route équestre Doñana-Camargue par Aigues-Mortes et les Saintes Maries de la Mer avec Paco Ortiz et les Parcs naturels

Réunir par une route équestre les Parcs de Doñana et de Camargue jumelés depuis 2000, c'est le projet - et le tour de force - de Paco Ortiz, activement soutenu par l'équipe du Parc naturel régional de Camargue, les Saintes Maries de la Mer, le jumelage les Saintes-Villa Manrique de la Condesa, l'association Delta de Maya, la Nacioun gardiano, la Confrérie des gardians, le domaine Paul Ricard de Méjanes. Il était le 29 janvier dernier au Musée de Camargue à l'invitation d'Estelle Rouquette pour en parler.






Paco Ortiz le sévillan, et camarguais de coeur, rêve de lier l'Andalousie et la Camargue, le Rocio et le pèlerinage des Saintes, les deltas du Guadalquivir, de l'Ebre, et du Rhône. Partis le 1er mai 2013 de Séville, avec son cheval Manguara, ils parviennent aux Saintes le 16 juillet, après un voyage de 1668kms et 75 jours par une route tracée au plus près du vol d'oiseau, sans étapes préalablement arrêtées. Le cavalier demande son chemin au fur et à mesure, profitant des connaissances des habitants pour rejoindre le prochain village, quelquefois accompagné de cavaliers de rencontre.






L'antique camino real, les drailles de transhumance, les chemins, ont souvent été goudronnés, coupés, modifiés. Tout est maintenant pensé pour la voiture, le camion, voire le vélo, pas pour le cheval. 

Paco est souvent bloqué par les bordures cimentées ou métalliques des voies rapides. Avant Albacete il doit longer l'autoroute pendant 15 kms. Les voitures et les camions, peu habitués à la cohabitation, le frôlent souvent. Même sur des voies vertes remplaçant d'anciennes voies de chemin de fer, il a de mauvaises surprises, traverses métalliques, tunnels bouchés, tant les nouveaux aménagements sont peu pensés pour les cavaliers.

Il dort avec son cheval dans des granges, des hangars agricoles, des ruines, des abris de fortune, trouvés grâce à la gentillesse et à la générosité des personnes rencontrées. S'il traverse beaucoup de villes, certaines restent inaccessibles comme Lerida.

Après Lerida, il voit se dessiner les Pyrénées qu'il franchit à Puig Cerda, accompagné par un groupe de cavaliers qui lui montrent la voie praticable jusqu'à la frontière. Par la route des châteaux cathares il arrive à Port la Nouvelle. Il fait étape à l'auberge du Vieux Puits chez Gilles Goujon à Fontjoncouse, puis il est accueilli par la famille Margé à Fleury d'Aude. De là il rejoint le canal du Midi, idéal pour les cavaliers, jusqu'à Sète où la police l'accompagne pour traverser la ville, et Frontignan.
©Midi Libre
A La Grande Motte les Cavaliers camarguais de l'ACCGM l'attendent et l'accompagnent pour les dernières étapes. Il arrive à Aigues-Mortes fatigué et blessé, par le bord du canal du Rhône à Sète. La Nacioun gardiano l'y accueille pour l'escorter jusqu'aux Saintes Maries de la Mer par la plage, le Grand Radeau, la manade Raynaud et le bac du Sauvage, sans passer cette fois par la plaine de Tasse  puisque le chemin vient d'être barré.

Après des jours de silence et de solitude, la foule l'accueille aux Saintes avec tous les partenaires de la future route équestre à laquelle il s'emploie dès lors à faire franchir une nouvelle étape avec l'aide du nouveau directeur du Parc de Camargue, Régis Vianet.
L'accueil aux Saintes-Maries de la Mer autour du Maire Roland Chassain
Car Paco Ortiz parvient à faire d'une expérience personnelle et intime qui s'apparente à celle du chemin de Saint Jacques de Compostelle, un projet d'itinéraire balisé et de développement durable unissant  les hommes et les territoires. De Camargue, la route peut être continuée jusqu'aux zones humides du Delta du Pô.

En 2015 il quitte à nouveau l'Andalousie pour rejoindre à Amposta le 5 juin les Calèches du Delta et six cavaliers de la Nacioun gardiano, partis des Saintes Maries le 3 mai. 27 étapes pour les cavaliers et atteleurs partis de France.

Les deux équipes viennent à bout de toutes les difficultés et franchissent ensemble le pont sur l'Ebre à Amposta.




Sous l'impulsion de Paco Ortiz et du Parc de Camargue, avec le soutien actif de leurs partenaires auxquels se joignent les Parcs de l'Ebre et de la Narbonnaise, la fédération du tourisme équestre et l'association des éleveurs de chevaux de race Camargue, la route équestre Doñana-Camargue est en cours de définition. Le Musée de Camargue contribue à la faire connaître.

Pour cela il faut remettre en valeur les chemins et les passages, retrouver les liaisons anciennes, les voies de pèlerinage et de transhumance,  comme celle d'Aigues-Mortes et Saint Laurent d'Aigouze aux Saintes Maries de la Mer, rassembler les connaissances et les bonnes volontés pour renforcer les liens par le voyage à cheval ou en attelage, à vélo ou à pied. 



L'association Chemins Libres de Camargue partage cette volonté et s'associe à cette action. 
Nous croyons que des chemins praticables, c'est la vie qui circule et qui irrigue le territoire. Circuler doit être un plaisir et non un parcours du combattant. 
Nous prenons contact avec les élus, partenaires et institutions pour approcher la problématique et trouver des solutions, là et ailleurs.

Ceux qui ne veulent rien faire s’appuient trop souvent sur des arguments, c’est impossible, on ne peut pas, ils ne voudront pas, il y a trop longtemps. Paco Ortiz  nous montre qu'il faut avancer malgré les obstacles. 

Les chemins peuvent revivre pour le bien de tous, en renouant avec notre histoire et notre culture, dans le respect de l’environnement et des domaines traversés.


Votre aide nous est précieuse, plus nous serons plus ce sera facile.


Photos ©Paco Ortiz et Calèche du Delta
Video ©Calèche du Delta

L'incroyable traversée à cheval de Paco Ortiz en escale à Saint Laurent d'Aigouze dans Midi Libre
Entretien du 24 septembre 2013 avec Paco Ortiz : Francisco 0rtiz Acuña, de Doñana a la Camarga francesa a caballo .
Entretien dans El Diario de Sevilla du 21 septembre 2013
Le site de l'association Delta de Maya et le texte de la lettre remise à Paco Ortiz le 1er mai 2013 pour être portée aux Saintes Maries de la Mer et déposée en l'église.
Le récit du Passage à la Frontera, avec l'Union des Clubs Taurins Paul Ricard.
Ci-dessous la chanson de Paco et Manguara, composée par Juan Manuel Vaz Rey, sur des photos de l'auteur